vendredi 19 mars 2010

La publicité... et les jeunes?

La révolution industrielle qui eut lieu lors de la seconde partie du dix-neuvième siècle a eu bon nombre de conséquences. Avec elle est née la production à grande échelle et plus tard la société de consommation. Elle fut également le fer de lance de la société occidentale capitaliste dans laquelle nous vivons encore aujourd’hui. Avec cette société, est née la publicité, outil économique par excellence de l’Etat et des sociétés privées.

Aujourd’hui, qui que nous soyons, et où que nous déambulions, nous ne pouvons échapper à la publicité. Force est de constater qu’elle se cache à tous endroits où l’on ne la soupçonne pas. Dans nos boîtes de Kellogg’s, au beau milieu d’un film, au journal télévisé,... elle est partout !

Cette publicité sera le centre de mon exposé. Nous verrons quelles sont les cibles principales de la publicité et je m’aventurerai dans l’explication de ce fait avant tout social. Je me pencherai ensuite sur les différents mécanismes de séduction qu’usent le secteur pour parvenir à stimuler les ventes. Enfin, nous verrons en quoi la publicité peut constituer une menace pour les plus jeunes.


[Pourquoi les jeunes?]


Les agences publicitaires sont aujourd’hui bien conscientes que l’enfant est le principal vecteur de ventes. Et pour cause, ils sont prescripteurs de la plupart des achats d’une famille. En effet, notre société occidentale qui prône le bonheur de tous pousse les parents à être moins stricts envers leurs enfants qu’auparavant. Ils culpabilisent plus vite lorsqu’ils sont mécontents et tendent à succomber à chaque caprice. C’est alors l’occasion pour les organismes publicitaires d’augmenter leurs recettes en influençant non plus les adultes, mais les enfants, ces proies beaucoup plus faciles à asservir et changeant les habitudes des parents par influence. Mais, parce qu’ils ne sont pas encore assez autonomes pour gérer eux-mêmes leurs achats et pour devenir consommateurs actifs, les enfants dans l’ensemble ne font pas la cible la plus rentable que sont les adolescents.

L’adolescent est cette personne bientôt citoyenne responsable. Il sera l’adulte, et par conséquent le consommateur de demain. Donc, en influençant une personne de cette tranche d’âge, ce sont les achats de demain qui sont influencés. Aussi, investir dans la publicité pour les adolescents est très rentable. Par exemple, aux Etats Unis, la chaîne de restaurants « fast food » Mc Donald organise chaque année des journées portes ouvertes pour les jeunes, lors desquelles on leur fait visiter les cuisines et on leur explique comme les aliments sont sains et absolument exempts de germes. Au terme de ces visites, chaque jeune reçoit un burger gratuitement. Ces jeunes dont le sens critique est encore très malléable sont par cela encore très influençables. Aussi garderont-ils un souvenir plaisant de cette visite et iront manger dans de tels restaurants plus volontiers.

L’adolescent est également la personne de la famille la plus susceptible de voir ou d’entendre des annonces publicitaires, que ce soit entre deux émissions télévisées ou radiophoniques, sur des sites internet, ou sur des affiches en rue. A ce titre, les personnes âgées pourraient également faire la cible première des publicités. Seulement, ceux-ci sont considérés beaucoup moins rentables que les jeunes, qui eux font partie de la population "active" (je veux dire "qui achète"), donc économiquement plus intéressante, et susceptible de faire encore ces acheteurs potentiels pour les soixante années à venir.

Le jeune constitue donc la cible la plus facile et la plus intéressante pour le secteur de la publicité qui l’éduque tout au long de son épanouissement à acheter sans cesse des produits dont la plupart ne lui seront sans doute pas nécessaires.

Faisant moi-même encore cet adolescent et, je l’espère, de moins en moins dupe de tout ce qui se trame dans le monde qui m’entoure, j’essaierai d’apprécier, dans la partie de l’exposé qui suit, les mécanismes de plus en plus subtils mis en œuvre par celle-ci pour m’inciter à acheter -en bon citoyen capitaliste que je suis- les produits qu’elle me vante.


[Définition]


La publicité, c’est l’ensemble des moyens de communication mis en œuvre en vue d’influencer une tierce personne dans ses activités quotidiennes dans son propre intérêt, qu’elle en soit consciente ou non, et quels que soient les "dommages collatéraux". Pour parvenir à ses fins, la publicité met à sa disposition plusieurs mécanismes d’influence qui sont les suivants.


[Les mécanismes de la publicité]


Le premier qui me vient à l’esprit est celui qui cherche à faire reconnaître le produit. C’est généralement également le premier qui entre en jeu : les organismes publicitaires vont tout mettre en œuvre pour que le produit concerné soit connu de la population. Ici, le message peut ne pas vanter le produit, mais seulement le nommer. Aussi, si une personne se retrouve devant un rayon avec le choix entre deux produits similaires, il choisira celui dont il a déjà entendu parler, que cette action soit consciente ou pas. Et pour cause, choisir un produit que l’on ne connaît pas, c’est s’exposer à un risque.

Il y a ensuite la recherche l’effet de familiarité, ou dit de « déjà vu », fort similaire mais différent du précédent mécanisme de reconnaissance du produit. Mais ce mécanisme de séduction n’influence que relativement peu les adolescents, parce que l’adolescent n’est pas l’acheteur, mais plutôt celui qui conditionne l’achat. Aussi m’intéresse-t-il moins pour mon exposé, plutôt axé sur l’influence de la publicité sur les cibles faciles que sont les adolescents et les enfants. Mais il me paraît tout de même utile de donner un exemple: l’homme de ménage qui se trouve dans l’obligation de choisir entre deux poudres à lessiver choisira inconsciemment celle qu’il connaît déjà. Ce mécanisme se joue donc devant le rayon.

Le mécanisme suivant est lié avec les deux précédents. Il vise à faire mémoriser le produit et la marque associée par le cerveau humain à l’aide de moyens mnémotechniques. Ainsi, on présentera les produits en parallèle avec un jingle ou une histoire, et à chaque fois que le jingle repassera à la radio ou à la télévision, le cerveau humain refera le lien avec la marque et le produit vanté. De même, les histoires sont très faciles à mémoriser par le cerveau humain. C’est ainsi que les personnes à hautes capacités intellectuelles qui sont capables de retenir des milliers de chiffres à la suite, comme l’explique D. TAMMET dans Je suis né un jour bleu, se les représentent en fait sous la forme d’une histoire, plus facile à mémoriser. Ce caractère peut être extrapolé à toute l’espèce humaine : nous pourrons mieux retenir les péripéties d’un livre de mille pages qu’une suite de chiffres d’une page.

Vous avez sans doute déjà remarqué que les publicités télévisées (et parfois radiophoniques) se présentent sous plusieurs phases : la première, la plus chère pour l’organisme publicitaire et le commanditaire, consiste à diffuser une histoire de plusieurs minutes dans laquelle apparaissent des moments intensifs plus faciles à retenir parce qu’associés à une histoire et à un jingle. Ensuite, lors des diffusions suivantes, seules ces parties intensives faciles à mémoriser vont être gardées, dans un souci de rentabilité. En voyant cette scène frappante, l’auditeur se remémorera l’histoire en entier, et par conséquent de la marque concernée. Cela agira comme un vaccin que l’on nous injecterait à chaque diffusion. Un exemple parmi tant d’autres : la marmotte des barres de chocolat LEO qui passe à la télévision depuis plusieurs années a eu un énorme succès. La publicité mêlait jingle (« Léo-lé-é-é-o ! ») et histoire suivie (la vache et la marmotte qui s’allient pour fabriquer le chocolat, etc.). Aujourd’hui, seules la réplique célèbre et la scène de la marmotte sont encore diffusées, suffisantes pour faire renaître en nous le souvenir de toute l’histoire et le lien avec le produit.

D’autres publicités se présentent même sous forme d’épisodes avec de véritables personnages envers lesquels on peut ressentir un sentiment de sympathie, et par là, une confiance accrue en le produit vanté.

Un autre mécanisme qui favorise la mémorisation consiste à utiliser le rire. Faire rire les gens à la vue d’une affiche ou d’une annonce publicitaire, c’est associer subtilement le produit et la marque au plaisir, donc au bonheur. Or, comme j’en ai parlé dans la précédente dissertation, le bonheur est devenu un véritable devoir de citoyen, dans notre société occidentale. Ici, le secteur publicitaire nous promet donc l’accès au bonheur, à condition de se procurer les produits qu’il nous vante. En plus de cela, stimuler le rire dans une annonce publicitaire contribue à la « connaissance » et la « reconnaissance » du produit. Notre inconscient va en effet plus volontiers retenir un événement lors duquel on a éprouvé du plaisir, parce que celui-ci est conditionné pour se souvenir des événements heureux, pour le bien de la personne qu’il habite, dans un instinct primitif de survie.

Un autre mécanisme est celui de l’attraction de la nouveauté et du haut de gamme. Les grandes marques, comme « Apple », pour ne pas la nommer, cherchent à faire de l’entrée dans le commerce de l’un de leurs produits un réel événement international. Elles créent l’attente et associent des prix prohibitifs aux produits concernés pour faire croire à une exclusivité. Si la stratégie réussit, et ce fut le cas pour l’iPhone d’Apple, cette pratique devient du véritable pain bénit pour le commerçant : le produit peut atteindre un tel seuil de notoriété que les médias commencent à s’y intéresser, parce que la simple action de parler du produit devient elle-même lucrative. C’est ainsi que l’arrivée de l’iPhone d’Apple a fait cet événement médiatique exceptionnel. En effet, la marque avait rempli tous les critères nécessaires à rendre le produit exclusif : prix prohibitifs pour un produit qui proposait plusieurs nouveautés telles que l’écran tactile et l’internet mobile haut débit et dont l’entrée dans le commerce était déjà prévue deux ans auparavant.

Ce mécanisme s’inscrit dans un mécanisme social très simple : dans notre société matérialiste, posséder une nouveauté apporte une reconnaissance sociale. Être le premier à posséder un tel produit fait de vous le centre d’intérêt de tous. Aussi, une personne qui sera une des dernières à ne pas posséder l’objet se sentira obligée de se le procurer par le simple souci conformiste que nous avons de vouloir être comme les autres pour ne nous sentir pas en marge de la société.

Ensuite, les campagnes publicitaires ont pour but parvenir à lancer un phénomène de mode. Pour ce faire, et comme dans le mécanisme expliqué précédemment, il faut le rendre socialement attractif et faire en sorte de donner une position sociale supérieure à celui qui s’est procuré l’objet. En effet, les femmes ont naturellement tendance à aller chercher les hommes de position sociale supérieure à la leur. Ainsi, en se procurant le produit, un homme peut s’offrir un atout social qui attire les femmes et le favorise sexuellement. Ce fait social peut également être constaté dans l’autre sens. La campagne publicitaire pour les chaussures Converse fait un parfait exemple de l’effet de mode : des dizaines de paires de chaussures de cette marque ont été offertes à des grandes célébrités qui se sont affichées en présence de celles-ci lors de grands événements médiatiques (en échange d’argent, certainement). Quelques mois après, la mode des chaussures Converse avait (re)démarré, et aujourd’hui, un adolescent sur deux se promène avec de telles chaussures aux pieds.

Maintenant que nous connaissons les différents mécanismes, tous aussi pervers les uns que les autres, qui ont pour but d’influencer le comportement des enfants en particulier, abordons une question d’éthique : peut-on dire que la publicité violente les enfants ? Je répondrai évidemment par l’affirmative. D’abord, rappelons-nous de la définition de la publicité proposée plus tôt : « ensemble des moyens de communication mis en œuvre en vue d’influencer une tierce personne dans ses activités quotidiennes dans son propre intérêt, qu’elle en soit consciente ou non, et quels que soient les dommages collatéraux ».


[Et les jeunes, dans tout cela?]


Dans le cas des enfants, la publicité fait tout pour que l'enfant associe la marque vantée à un message positif (message subliminal), ou pire, à une envie. Elle enfonce son doigt boudiné dans la tête de l’enfant jusqu’à ce que l’envie de posséder lui soit inculquée, que ce soit dans l’intérêt du bon développement critique de l’enfant, ou non. Ceci, que j’appellerai du « bourrage de crâne », est évidemment mauvais pour l’épanouissement de l’enfant. Les publicitaires se défendront sans doute en disant que les enfants peuvent se rendre compte eux même des travers de la publicité. Mais non ! L’enfant n’en est pas capable, il ne sait pas encore faire la distinction entre ce qui tient de l’information ou de la publicité. Les enfants assimilent tout ce qu’ils voient comme des informations de même valeur. Les publicités vont donc leur donner des idées préconçues et compromettre le développement de leur esprit et de leur sens critique.

En plus de cela, la publicité se base sur le stéréotype. Aussi, l’enfant ne sachant pas qu’il a affaire à des préjugés va assimiler ces stéréotypes comme réalités de la vie : la grosse voiture sera proposée à un homme de même que le bac de bière, parce que « les hommes savent pourquoi », tandis que la femme se verra attribuer la serpillière et la petite voiture, plus pratique pour aller faire les courses. Il est donc paradoxal que de telles absurdités subsistent dans une société où l’on prône l’égalité des sexes, d’autant plus que ce sont ces enfants d’aujourd’hui qui façonneront notre société de demain. Puisqu’ils ne parviennent pas à différencier information et publicité, le simple fait de leur faire voir de telles publicités ne peut que leur inculquer les valeurs discriminatoires que l’on essaie pourtant de proscrire depuis la moitié du siècle dernier.

La publicité est également nocive pour l’enfant par l’opposition des mondes qu’elle présente : celle du monde du moche et du monde du merveilleux. Le monde du moche, c’est celui où le produit vanté n’est pas présent : tout le monde y pue des aisselles, a une mauvaise haleine, a des dents jaunes et va mourir du cholestérol dans le mois qui vient. Dans l’autre, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possible. On y présente donc le Bien et le Mal et on les associe à des objets. Ceci ne peut que nuire au développement intellectuel de l’enfant.

Malheureusement, comme expliqué plus haut, l’enfant fait cet investissement très rentable à court et long terme et le secteur publicitaire y met énormément d’argent en jeu. Aussi ne peut-on pas se permettre de compter sur les organes publicitaires pour se contrôler eux-mêmes et limiter les publicités destinées aux plus jeunes. En réalité, c’est l’Etat qui devrait, d’après moi, prendre cette responsabilité : de même que pour la censure des films, il devrait assurer le tri entre les publicités destinées aux enfants, à proscrire, et celles destinées au reste de la population, plus alerte.


[Conclusion]


En guise de conclusion, je dirai que la publicité use de moyens extrêmement audacieux qui font intervenir le plus souvent l’inconscient de la population ciblée, pour la pousser à l’achat à son insu. Les jeunes, encore très influençables mais déjà actifs économiquement font la cible parfaite de la publicité, qui peut s’avérer néfaste pour le bon développement psychologique des plus jeunes. Ainsi, la publicité destinée aux plus jeunes doit absolument être à proscrire (comme dans certains pays européens) pour permettre l'épanouissement de leur sens critique. En attendant des mesures, ceux-ci doivent être avertis par leurs parents du caractère pervers de la publicité et éduqués de sorte qu’ils ne tombent pas à leur tour dans la spirale de l’achat.

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